L’art de la pertinence

Traduction du livre de Nina Simon - The art of relevance

Comment compter davantage pour plus de personnes ? C’est la question centrale qui a conduit Nina Simon à mener cette recherche sur la pertinence des espaces culturels. Publié en 2016, ce livre est un véritable bijou pour tous ceux qui s’intéressent aux questions d’inclusion dans les secteurs culturel et social.

Cette traduction a été rendue possible grâce à l’intelligence artificielle, puis a été soigneusement et humainement révisée.

La version originale en anglais est disponible gratuitement ICI.

 

Livre blanc : Sortir=Grandir

Comment réinventer l’accompagnenement des sorties artistiques au primaire ?
Préface Jasmine dubé

Pendant deux ans, nous sommes allés à la rencontre des enseignant.e.s du primaire pour mieux comprendre comment ils.elles accompagnaient les élèves lors des sorties scolaires. Nous avons pu au travers de cette recherche imaginer une nouvelle manière des les outiller pour que les sorties deviennent encore plus significatives.

Un projet en collaboration avec le Théâtre Bouches Décousues

 

Perspectives autochtones sur la gouvernance Indigenous Perspectives of Governance

Ce podcast est une trace du travail de réflexion du collectif canadien Postmarginal que j’ai eu le bonheur d’accompagner dans ses réflexions sur la gouvernance. 3 mois de recherche auprès de leaders et chercheurs autochtones ainsi que d’organismes qui ont une réflexion profonde sur la gouvernance partagée ont aidé à trouver le chemin pour bâtir Postmarginal.
Une trace de ce travail a été faite dans un podcast de Dennis Kastrup.

 

Ouvrir des possibles pour l’avenir

RETOUR SUR UN ATELIER POUR DÉJOUER LES BIAIS COGNITIFS - ESPACE GO

Cet article fait un retour sur une commande de l’Espace GO pour concevoir un atelier pour explorer les espaces de choix. Pour guider cette conception, je me suis appuyée sur les travaux de Viktor Frankl ainsi que sur une approche somatique inspirée du Social Presencing Theater. Cette expérience m’a permis de découvrir la puissance du travail corporel et de la lenteur pour opérer des changements profonds. Cet atelier a été conçu en collaboration avec Ez Bridgman et Lisa Ndejuru.

 

Les arts vivants pour les enfants

RETOUR D’UN SPRINT CRÉATIF - COMMENT permettre AUX ENFANTS D’AVOIR UN CONTACT SIGNIFICATIF AVEC LES ARTS VIVANTS EN PÉRIODE DE PANDÉMIE ?

En juin 2020, trois mois après le début de la pandémie, le milieu des arts vivants destinés au jeune public m’a sollicité pour concevoir un sprint créatif en ligne visant à imaginer de nouvelles façons de rejoindre les enfants et adolescents confinés.

Ce sprint créatif a rassemblé, sur une période de quatre jours, 30 professionnels issus de divers horizons. Parmi eux, des artistes, diffuseurs et concepteurs des arts de la scène, mais aussi des experts venant de milieux variés tels que la philosophie, les changements climatiques, l’enseignement, la psychothérapie, le numérique et les arts visuels.

Une trentaine d’entrevues avec des enfants et des adolescents ont enrichi la réflexion tout au long du processus, qui a été entièrement documenté. Les résultats de ce sprint sont venus inspirer plusieurs projets dans les 2 années qui ont suivi.

Aujourd’hui, loin des masques et des questions de distanciation, plusieurs éléments restent intéressants dans ce sprint. Tout d’abord, la vision des adultes des arts vivants, RENCONTRE, PARTAGE, ÉMOTIONS et celle des enfants, HUMAIN, NATURE, BOUGER et VIE.

La recherche terrain avec les entrevues a permis aussi de nommer les questions clés auxquelles la création et la diffusion pour le jeune public devraient s’attarder :

  • Comment allier un contact avec la nature et une expérience des arts vivants?

  • Comment permettre aux tout-petits d'avoir une expérience sensorielle des arts vivants sans écran ?

  • Comment artistes et enfants ou adolescent·e·s pourraient s'enrichir autour de projets de co-créations?

  • Comment offrir aux adolescent·e·s une expérience artistique libérée, sensorielle et collective ?

  • Comment créer un rituel de retrouvailles grâce aux arts vivants qui permettrait aux enfants de vivre une connexion forte avec leurs pairs ou leur(s) communauté(s)?

 

Comment être des allié.e.s ?

RETOUR SUR LA CONCEPTION DE 2 JOURS D’ATELIERS dans le cadre du chantier féministe de l’ESPACE GO

En Avril 2019, l’Espace GO m’a demandé de concevoir 2 journées d’ateliers de Design Thinking autour des grandes questions suivantes : Comment être des allié.e.s ?. Comment déployer les leaderships des femmes en théâtre ? Comment assurer la visibilité des femmes en théâtre ? Comment valoriser la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle ?
Ces ateliers ont rassemblé 185 personnes. Un rapport très complet de ce Chantier féministe a été fait incluant mes axes de conception qui pourraient servir pour d’autres contextes où l’activisme est central.

“ LE CERCLE POUR INCARNER L’ÉGALITÉ

Le design thinking utilise souvent le cercle comme dispositif pour incarner l’égalité et la sécurité. Se rencontrer en cercle peut être particulièrement utile pour faire connaissance avec des personnes, développer des pistes de solutions de manière inclusive où les échanges se déroulent de façon sûre, équitable et respectueuse. Dans cette configuration, il n’y a pas d’expert·es, mais que des participant·es.

ÉLARGIR, DIVERSIFIER ET STRUCTURER LE CERCLE

Le travail exceptionnel d’animation de ces journées a permis aux participant·es de saisir la richesse des points de vue différents sur des problématiques complexes et pour lesquelles ont pu être imaginées des solutions inédites, efficaces et réalisables.

PRATIQUER LA COURSE À RELAIS POUR RÉPARTIR LES CHARGES

La charge à porter peut être lourde pour les activistes. Le surmenage et le découragement sont des dangers courants. Une des clés pour éviter l’épuisement est de pratiquer la course à relais. Par exemple, à la suite d’une série de remue-méninges en équipe, les meilleures idées devaient être données à une autre équipe pour qu’elle puisse les prototyper. C’était une bonne manière d’expérimenter le lâcher-prise tout en respectant celles et ceux qui ont eu l’idée. Aussi, cette expérience de relais des idées a fait prendre conscience à chacun·es de son pouvoir d’influence pour instaurer dans son entourage de nouvelles pratiques en faveur de la parité.

LE PARTAGE

Le changement intègre dans son processus toutes les dimensions de la vie humaine : les savoirs, l’émotif, le corps et le spirituel. Pour ouvrir les regards sur d’autres perspectives, développer les écoutes, nourrir la créativité des participant·es, nous avons fait appel à l’apport de personnes de différentes expériences et de différents points de vue.

 

La résilience par les arts

Entrevue de Lisa Ndejuru par Anne-Laure Mathieu

ARTICLE PUBLIÉ DANS INTERNATIONAL PERFORMING ARTS REVIEW en 2018

kuba, kuba-ho, kuba-na*

être, être ici, être avec

Génocide contre les Tutsis du Rwanda, 25 ans plus tard

Aujourd’hui le 7 avril 2019, est le jour de commémoration des 25 ans du génocide contre les Tutsis du Rwanda. En 3 mois, plus de 1 000 000 de rwandais, principalement Tutsis, perdaient la vie : le génocide le plus foudroyant de l’histoire.

En novembre dernier, nous avons invité, dans le cadre des conférences de CINARS 2018, l’artiste, chercheuse et psychothérapeute Lisa Ndejuru. Ayant immigré avec ses parents au Québec dans les années 80, Lisa était au milieu de sa vingtaine au moment des faits. A L’époque, ses incompréhensions, ses souffrances et questions faisaient déjà partie intégrante de son histoire. Une famille en exil, un peuple en exil, un grand père assassiné et l’autre vivant dans des camps de réfugiés.

Poussée par une quête identitaire et existentielle elle a mêlé sciences des religions, psychothérapie et arts pour trouver des chemins de transformation. Elle a depuis soutenu la diaspora rwandaise, mais aussi des réfugiées, juifs, cambodgiens, autochtones… les blessés de l’histoire comme elle les nomme, à trouver les chemins de résilience grâce aux arts.

Être : l’expérience du beau change qualitativement le sens d’être en vie.

« Ma recherche porte sur comment atteindre le bien-être quand on a été disloqué de l’intérieur. Tout est partie d’une quête existentielle, mais aussi pour qu’on aille mieux dans ma communauté, dans ma famille. Il y avait de nombreuses couches : être ailleurs, racisés en occident, avoir du mal à s’enraciner, nos questions concernant la colonisation, la christianisation, la langue. Mais aussi toutes les séries de contradictions internes sans réponses, qui font sauter le disque. Je cherchais à mettre de l’ordre pour faire sens.

L’art a de multiples facettes qui permettent d’y arriver. Tout d’abord l’écriture et la réinscription. Passer de sujet à auteure, un changement de position, un passage à la voix. Faire des choix, ne pas juste subir. L’art aussi permet de se rapprocher de soi-même car en créant tu veux arriver quelque part, transformer quelque chose, tu veux être transformée.

Être c’est une énergie vitale. Tu n’es pas là pour rien et les arts sont reliés à cette expression là. L’expérience du beau c’est quand ça change qualitativement ton sens d’être en vie. »

Être ici : rester authentique dans une société moderne

« Le processus de création qui demande abandon, confiance, attention, posture est le contre poison de la violence et la peur. Cependant, une question importante quand tu viens d’une société étiquetée “traditionnelle” est de rester authentique dans une société moderne (si la conception de la modernité est exclusivement occidentale). Tu as un besoin d’être dans le passé pour conserver une partie de qui tu es, du langage commun comme la danse traditionnelle dans mon cas. La création peut devenir un lieu de possible et d’avenir, mais une langue qui te relie aux anciens et au sacré peut difficilement être modifiée sans être brisée. J’ai d’ailleurs une affinité particulière avec les autochtones qui partagent les mêmes questionnements. Moi, j’ai trouvé la performance et l’écriture pour me relier au possible.»

Être avec : devenir une caisse de résonnance pour révéler d’autres histoires

« Toutes les disciplines dans lesquelles j’ai étudié, les sciences des religions, la psychothérapie et les arts ont le point commun de chercher le lien, à relier. Je me suis particulièrement intéressée à l’art du dialogue. Il y a une esthétique dans le dialogue. La culture de la parole.

Dans le cadre de trauma il y a des questions de santé mentale, mais aussi des dimensions sociales, politiques qui ne sont pas qu’individuelles. Les histoires spécifiques et la singularité de l’expérience sont très importantes et essentielles, mais elles peuvent encore plus prendre du sens avec les autres histoires. Écouter toutes ces histoires permet de toucher au plus subtil, créer une toile pour mieux comprendre, c’est l’intelligence collective.

Nous sommes tapissés d’histoires à même le corps, l’art permet de secouer, de mettre en mouvement, d’enlever la poussière et de percevoir. Une fois bien secoué, le tapis laisse apparaître alors un instrument, une caisse de résonances qui permet à son tour de révéler d’autres histoires.»

Cliquez ici pour écouter l'intervention de Lisa Ndejuru à CINARS 2018 : Créer des possibles.

* Abbé Alexis Kagamé

 

Corps & Numérique

Entrevue de Maxime Fleuriot PAR ANNE-LAURE MATHIEU


Vivre avec son temps, tirer profit du numérique en restant à l’écoute du corps.

Comment être à l’écoute du corps à l’ère du numérique ? Comment le numérique peut-il être au service de la danse ? Comment la danse et le numérique peuvent-ils nous aider à être ensemble ? Voici le genre de questions que se pose Maxime Fleuriot consultant en danse et innovation, ancien conseiller artistique de la Biennale de la danse à Lyon et instigateur du premier Dansathon : un hackathon dédié au futur de la danse qui a eu lieu l’automne dernier dans trois villes européennes, Lyon, Liège et Londres. Nous avons eu la chance de l’inviter comme conférencier à la Biennale CINARS 2018 et de l’avoir récemment en entrevue.

La révolution passera par le corps

« On voit aujourd’hui un intérêt généralisé pour la danse, que ce soit dans la communication, dans les médias, les publicités. Pour moi cela s’explique parce que le corps agit comme une valeur refuge dans un climat où on observe une défiance grandissante pour les mots, les idéologies, la rhétorique politique, la montée du populisme... La danse apporte avec elle une idée de légèreté, de quelque chose de joyeux.

Il y aussi cette idée que le corps ne peut pas mentir, et en ce sens, porter une plus grande attention à son corps, c’est porter une plus grande attention à soi. Cela va dans le sens d’un mouvement très profond dans la société qui suggère d’être plus écologique, de faire attention à ce qui est présent autour de nous et qui doit être préservé. Cela passe aussi par une attention au corps, le notre et celui des autres. Je vois la danse (et notamment la danse contemporaine) comme un laboratoire, un chemin d’accès vers le corps. La danse rend présent au monde, c’est l’expression d’un liant. Elle ouvre sur des questions essentielles du rapport au corps, aux autres, aux espaces, à l’environnement. Elle permet que cet impératif écologique ne soit pas vu seulement comme une grosse punition, mais comme un chemin spirituel et physique,  la découverte qu’on a un corps. »

Les artistes du corps : des gardiens de l’humain dans le monde numérique

« Le numérique envahit nos vies et influence le vivant. Les limites du numérique, nous les connaissons : créer de l’isolement, des dépendances, un oubli de soi, on constate même aujourd’hui des effets corporels. A priori, c’est l'inverse de ce qu’on recherche avec la danse : se reconnecter à soi, à l’autre, à son environnement. Cependant, si on décide ne pas ignorer son époque, on peut voir le numérique également comme une source de nouveaux langages. Des outils et des potentiels artistiques apparaissent aussi avec le numérique qui ne sont pas seulement des sources de pollution. Je trouvais ça intéressant dans l’idée d’organiser un Dansathon, de réunir des gens du corps et de la danse pour réfléchir au numérique. Les outils numériques ne sont pas développés par des personnes qui travaillent avec le corps. Pourtant, ça me semble fondamental d’inviter les chorégraphes, ces artistes du corps dans cette discussion ; ils peuvent ainsi devenir des gardiens du temple humain. Ils n’entretiennent pas avec le monde numérique une fascination pour l’image, ils peuvent apporter leur expertise des ressentis corporels (poids, vitesse, rapport à l’espace…). C’est très visible par exemple dans des champs comme celui de la réalité virtuelle, les artistes chorégraphes sont de véritables experts de ceux que les concepteurs numériques appellent « l’expérience utilisateur ». 

Le Premier Dansathon : le début d’une communauté internationale

« Dansathon veut dire Hackthon + danse. Les hackathons ont cet avantage de décloisonner les savoirs, de travailler en horizontalité et de déployer une énergie ludique qui se substitue aux cadres habituels et permet l’émergence d’idées concrètes fortes. Ce Dansathon n’avait pas pour but de développer seulement de la création pure, mais de voir comment la danse peut s’adresser à de nouveaux publics dans de nouveaux territoires grâce au numérique. C’est une problématique commune à l’ensemble des acteurs du milieu de la danse qui demandait d’accoucher de solutions collectives. Nous avons donc invité des chorégraphes, danseurs, professionnels des communications, spécialistes de la réalité virtuelle et des drones, des programmateurs, mais aussi des éclairagistes et sonorisateurs, à relever ce défi.

Bien entendu, il y a un phénomène d’acculturation pour les participants qui demande un temps nécessaire ; les différences de langages produisent des décalages, mais toutes les personnes présentent ont été ravies de l’expérience et cela a surtout permis de créer un début de communauté internationale, des personnes qui restent en lien, qui échangent et veulent poursuivre l'aventure.

Ce qui est avant tout ressorti de ces trois jours d’exploration c’est l’importance de créer des liens physiques en utilisant le numérique pour développer de nouveaux publics. L’équipe gagnante à Lyon a développé une application appelée Vibes, qui permet de rencontrer des inconnus qui partagent l’envie de danser en même temps que vous.  Ce projet est en développement et sera présenté en 2020 à la prochaine Biennale de la danse de Lyon.”

 

Arts et climat

Comment ne pas s’interroger en 2019 sur les changements climatiques et les manières de lutter, s’adapter et construire un avenir pour les futures générations ? L’art pourrait avoir une place importante dans cette question cruciale. En novembre dernier, dans le cadre des conférences internationales de la Biennale CINARS 2018 sous le thème de SENS & MUTATIONS, nous avons invité le futurologue Sanjay Khanna à nous partager sa vision. Cette vidéo est désormais accessible au public et j’en profite pour partager mes très modestes recherches sur le sujet et ce que la merveilleuse rencontre avec Monsieur Khanna m’a fait comprendre.

L’art, outil exceptionnel de réveil des consciences

Nous connaissons tous l’existence des changements climatiques grâce au travail des scientifiques. Notre contact avec cette réalité effrayante passe donc généralement par des graphiques et des chiffres traités par notre cerveau analytique. Cependant, face à l’inconcevable, les dimensions émotives et intuitives sont essentielles pour une véritable compréhension et transformation personnelle. Quoi de mieux que les arts pour cela ? L’expérience artistique, de par sa nature, touche les émotions et l’intuition, mais aussi demande aux spectateurs un abandon, une complicité et de suspendre son incrédulité pour s’ouvrir à une invitation, une proposition.

Dans le contexte des changements climatiques, le narratif a également toute son importance. Dans un article scientifique publié en 2018 sur l’art dans le contexte du réchauffement planétaire, les cosignataires s’entendent pour dire que « pour envisager un avenir ou la température ne dépassera pas les 1,5oC, il faut développer des récits d’espoir. L’art peut être un moyen d’envisager, d’exprimer et de façonner le type de société que nous voulons collectivement créer. » 1

Le mouvement des artistes qui font le choix de sensibiliser leurs publics aux questions climatiques est en pleine croissance et est en pleine effervescence pour ses approches innovantes et inclusives. Le site Artists & Climate Change, dirigé par cinq artistes femmes issues de quatre disciplines différentes dans trois pays en est un bel exemple.

L’art, pour créer des liens et construire des communs

Au-delà d’aider à la compréhension profonde du réchauffement planétaire et d’imaginer de nouveaux narratifs, l’art pourrait aussi avoir un rôle de liant entre les gens. Les catastrophes plus courantes comme les inondations, les cyclones, la nécessité de partager des ressources augmenteront considérablement notre niveau de dépendance les uns des autres et le besoin de construire des « communs »2. Cependant, nos sociétés qui ont été plongées dans l’individualisme durant les dernières décennies ont un apprentissage majeur à faire pour être en mesure d’envisager des sentiers collectifs.

Les lieux culturels pourraient véritablement embrasser la mission de devenir les lieux de rapprochement entre les citoyens : faire vivre des expériences collectives significatives, mieux se connaître et créer des connexions profondes. La question de créer des espaces culturels inclusifs, propices à la rencontre et au dialogue prend alors une fois de plus tout son sens.

Le travail de la compagnie multidisciplinaire québécoise Quand L’art passe à l’action (ATSA), qui crée depuis plus de 20 ans des espaces de dialogue dans les villes du monde entier, en est un magnifique exemple.

L’art vivant, le lieu du moment présent

Les impacts psychologiques des changements climatiques sont énormes et deviendront dans les prochaines décennies un des plus importants enjeux de santé publique. Une des manières de lutter contre l’angoisse et la peur, sera de vivre dans le moment présent, pour garder autant que possible le contrôle du bateau en cette période de tempête intérieure. On parle beaucoup aujourd’hui des vertus de la Pleine conscience (Mindfulness), mais l’art vivant, de par son caractère unique et éphémère pourrait aussi devenir un lieu exceptionnel de contact avec le moment présent. « Le spectacle, le moment où tu es dans une salle avec d’autres personnes et qu’un événement se déroule en direct, est un moment qui demande un profond engagement. Quand nous prenons conscience de la performance en elle-même, ne serait-ce qu’un court instant, nous sommes appelés à développer des aptitudes d’attention et d’intention et donc de cultiver l’habilité d’entrer en profond état de conscience. » Andy Horwitz3. En 2015, le musicien anglais Rolf Hind a même poussé plus loin la recherche en écrivant un premier opéra de la pleine conscience pour le Mahogany Opera. Les possibilités sont immenses et je parie que la danse a ici un champ d’exploration infini pour éveiller au présent et soulager des peurs.

L’art vivant doit faire aussi sa part dans le développement durable

L’art peut avoir un rôle positif quant aux changements climatiques, mais encore faut-il que le prêcheur soit converti et pratiquant. Cependant, les arts vivants peuvent être une source importante de pollution. Pensons aux décors et costumes qui ne servent parfois que pour 10 soirs. Les tournées non rationalisées en termes d’impact carbone ou encore la tendance généralisée de vouloir tout simplement croître. La liste pourrait être longue et la diminution de l’impact humain sur l’environnement est une responsabilité de tous et partout. Le Conseil des arts de l’Angleterre a été le premier en 2012 à mettre en place des mesures pour inciter le secteur culturel au virage vert et les résultats cinq ans plus tard étaient déjà fort encourageants. La consommation d’énergie des organismes avait diminué de 23% sur la période et les émissions de CO2 de 35%4. Certains festivals dans le monde ont même choisi d’axer toute leur stratégie autour des changements climatiques, comme en France We love Green qui est un exemple intéressant d’événement temporaire à très faible impact environnemental ou encore le festival Sziget à Budapest.

Ces quelques avenues de réflexions sur la place de l’art face aux changements climatiques ne sont qu’une infime partie de la richesse d’un tel sujet. L’art, dans ce contexte, prend tout son sens et pourrait même se rapprocher du sacré, si seulement l’égo disparaissait des scènes pour laisser la place à l’artiste au service du commun.

1 - Raising the temperature’: the arts on a warming planet

2 - communs : Un commun est une ressource partagée, gérée, et maintenue collectivement par une communauté.

3 Live art in the age of Mindfulness

4 Sustaining Great Art and Culture Environmental Report

 

Arts et pandémie

ARTICLE COMMANDÉ PAR L’INSTITUT POUR LA CITOYENNETÉ CANADIENNE ET SON PROGRAMME CANOO

Nous sommes unanimes pour considérer cette période de COVID terrible pour l’humanité. Elle met des vies en danger, fragilise les plus démunis, créé une angoisse collective majeure notamment dans le secteur des arts qui perd tous ses repères. Cette période est violente à bien des égards, mais elle pourrait être le terreau d’une transformation profonde : remettre le sens au centre de nos existences et de nos organisations.

Le psychiatre Viktor Frankl, en sortant des camps en 1946, a écrit sur l’importance du sens comme véritable lieu de résilience. Selon lui la question n’était pas : qu’est-ce que j’ai à attendre de la vie, mais plutôt qu’est-ce que la vie attend de moi? Prendre en considération ce qu’on peut donner plutôt que ce qu’on ne reçoit pas, pour donner un sens. Reporté à une organisation culturelle, cela nous aide à nous poser les bonnes questions :

Que veut-on cultiver ?

De quoi et de qui voulons-nous prendre soin individuellement et collectivement ?

Pourquoi fait-on de l’art vivant? Pourquoi ? Pourquoi ?

Où est notre pouvoir ? Quelle est notre responsabilité ?

Où sont les besoins ?

Qu’est-ce que nous pouvons faire aujourd’hui pour aider?

Utilisons notre créativité et l’intelligence collective des équipes pour répondre à ces questions. Voyons les contraintes comme un moteur d’inventivité. Laissons de côté le passé et le futur qui sont sources d’anxiété. Concentrons-nous sur comment honorer le vivant maintenant. Certainement est-ce la meilleure position à adopter pour renforcer un lien de confiance avec nos communautés et s’inscrire dans un nouveau système.